Les jardins médiévaux sont un moyen privilégié pour comprendre les liens forts noués entre la société médiévale et le monde végétal. Nécessairement présents dans les abbayes sous la forme de jardin de cloître pour la prière, de jardin de simples pour l’infirmerie, de jardin potager pour l’alimentation, de jardin de fleurs pour les offices religieux, de verger, ils sont également fréquents dans le monde laïc, tant en milieu rural qu’en milieu urbain.
L’Europe médiévale est composée à 90% de paysans. Dans cette société, les jardins sont très importants à tel point qu’on pense aujourd’hui que chaque ferme possédait son jardin afin de subvenir aux besoins des familles. Ce jardin est l’objet de tous les soins car lorsque les prix des céréales (la nourriture de base) augmentent, il assure une certaine quantité de nourriture avec la porée.
Au IXe siècle, Charlemagne comprend très vite l’importance des jardins. Il dicte donc un document officiel : le Capitullaire de villis imperialibus, qui impose la culture de 70 plantes dans les jardins de son Empire. Sur le modèle de son propre jardin, Charlemagne donne la trame d’un jardin idéal qui doit comprendre des plantes médicinales, potagères, aromatiques et ornementales. Il souhaite par ce document que sur le territoire de l’Empire ces plantes ne manquent pas.
Les formes de jardins
Avant toute autre considération, il faut que le jardin soit enclos afin d’assurer sa protection contre les animaux domestiques ou sauvages. L’enceinte peut être faite : de buissons épais, d’arbres fruitiers palissés, de branchages entrelacés, creusée d’un fossé, d’une palissade de planches cloutées, d’un muret de pierres ou tout simplement d’une levée de terre. Un petit portillon en facilitait l’accès.
Voici la description faite par Pierre de Crescent d’une haie dans le Nord :
« Lon faict defense de pieux et de hayes quant on les peult avoir et les garnist on despines car lon aguise les pieux et les boute lon en terre demy pied ou plus et puis les lye lon ensemble de espines ou de oziers ou aultres lyens et tant plus y aura de pieux tant mieulx vauldra et peuvent estre mis loing de laultre deux piedz ou troys et y atacher au travers quatre perches fort lyees ausdit pieux et puis y mettre et lyer aulcunes defenses despines ou daultre chose »
Traduction : « des pieux aiguisés plantés tous les cinquantes centimètres et reliés par des perches horizontales solidement arrimées, le tout tressé d’épines et fiché en terre à 15 cm environ de profondeur, voilà qui constitue une bonne défense, pour le jardin, la vigne ou le champ ».
Sources : Pietro de Crescenzi Le livre des prouffiz champestres et ruraux. Traduction, Lyon, Pierre de Ste Lucie, dit Le Prince, 1539.
A l’intérieur, l’espace est cloisonné en petits rectangles de terre cultivée autour desquels sont les allées. Un arbre fruitier peut en occuper un espace ; en ville un espace du jardin est réservé pour entreposer le bois de chauffage.
Dans les milieux pauvres, l’entretien du jardin est le plus souvent confié aux femmes : ce travail fait partie de leurs tâches ménagères (participation aux travaux des champs, puisage de l’eau, préparation des repas, soins aux enfants, lessives, filage, tissage, vente des légumes…).
- Le jardin potager
On trouve dans le jardin potager : arbre (en petite quantité), des « racines », des légumes, des herbes et des fleurs.
On cultive principalement le chou sous ses différentes formes, les bettes, les betteraves, les cardons, l’oseille, les laitues et les chicorées. Le chou est le constituant majeur du potage d’herbes, le plat quasi quotidien des vilains. Dans le jardin potager, on trouve aussi des plantes dont on consomme les racines : navet, chou rave, carotte blanche, panais, carotte rouge, maceron, céleri rave, chervis, campanule-raiponce, radis, betterave, et poireaux en très grande quantité. Navet, chou rave et carottes entrent dans la préparation du potage d’herbes dans lequel on ajoute aussi une poignée de légumes et de grains : fèves, pois, pois chiches, lentilles, doliques (qui ont précédé les haricots originaires du Nouveau-Monde), jarousses (gesses et vesces) ou de mongettes, autres ressources du jardin potager.
Généralement un carré est réservé aux herbes ; elles sont semées en petite quantité. Les principales herbes cultivées sont : menthe, sauge, persil, coriandre, mélisse, romarin, hysope, sarriette, marube, origan, rue, carvi. Les plus fragiles sont alors plantées en pot, telles la marjolaine, la sauge, le basilic, la violette, afin de la rentrer pendant l’hiver.
Dans ces jardins la part florale est réduite même si les fleurs ne sont pas seulement décoratives puisqu’au Moyen Age certaines fleurs sont mangées (violettes, fleurs de fèves et d’aubépine…).
Le jardin des simples ou des plantes médicinales
L’herbularius médiéval ne comprenait qu’un nombre restreint de plantes médicinales, par exemple 5 dans le Capitulaire de Villis et 16 dans le jardin de l’infirmerie de l’abbaye de Saint-Gall. En général, seules les espèces rares ou étrangères à la contrée étaient cultivées. Quant aux autres plantes, elles étaient ramassées dans la campagne environnante.
Chaque partie des plantes dont les propriétés médicinales étaient reconnues étaient administrées par voie orale sous forme soit d’infusions, soit de décoctions dans l’eau ou le vin, soit de poudres incorporées dans la nourriture ou bien par voie cutanée (cataplasmes et onguents, bains).
Pierre de Crescent, source BNF
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