La Bible de La Sauve-Majeure est un manuscrit précieux et connu en Gironde. Malgré ce nom, le manuscrit n’a pas été créé à l’abbaye de La Sauve-Majeure !
Origine
En réalité, sa réalisation a débuté dans un lieu célèbre… l’abbaye du Mont-Saint-Michel, en Normandie, lieu de pèlerinage important qui comportait un scriptorium (atelier de copie des manuscrits) très actif.
La bibliothèque, disparue, était considérable : près de 800 manuscrits, ce qui est énorme au Moyen Âge.
Le scriptorium a produit de nombreux ouvrages reconnaissables à leurs initiales enluminées inspirées des îles britanniques et du nord de la France : tracé géométrique des lettres, entrelacs et feuillages, têtes de chiens et de lions, masques de dragons et animaux merveilleux, couleurs rouge, bleue et verte. La nature est largement représentée, tout comme sur les chapiteaux romans sculptés à la même période en Europe.
Aujourd’hui, les manuscrits du Mont-Saint-Michel sont conservés au Scriptorial de la ville d’Avranches.
La Bible de La Sauve-Majeure
La Bible de La Sauve-Majeure daterait de la fin du XIe siècle. Cette grande dimension indique qu’elle était destinée à être déposée sur un lutrin pour une lecture à haute voix dans l’abbaye.
Le texte est en latin, présenté sur deux colonnes. L’écriture se rapproche de la caroline, avec quelques onciales.
Elle est reliée en deux volumes de 53×36 cm, chacun formés de 404 feuillets de parchemin, soit 808 pages. Pour un tel travail, il a fallu plusieurs copistes qui ont ensuite assemblé leurs productions.
Chaque monastère avait un style particulier qui permet de retrouver l’origine des manuscrits. L’écriture et les initiales sont les mêmes que celles réalisées au Mont-Saint-Michel à la même époque, il n’y a pas de doute !
Ainsi, les spécialistes de l’écriture (paléographes) et de l’enluminure ont montré que la bible avait été copiée entièrement au Mont-Saint-Michel entre 1070 et 1090. C’est la décoration qui pose problème : la composition et les les couleurs de certaines initiales sont plus chaudes, plus vives que les codes habituellement employés au Mont.
Deux peintres auraient œuvré à la réalisation des initiales :
- le premier, formé dans un scriptorium normand, peut-être au Mont-Saint-Michel.
Il réalise les grandes lettres ornementales ornées, parfois habitées de petits animaux et d’hommes. Les rinceaux, les végétaux et les figures animales sont caractéristiques de l’enluminure normande romane. Elles témoignent de l’influence des cultures celte, mérovingienne et germanique qui ont traversé les territoires au cours des siècles passés. Les couleurs mêlent du vert pâle, du rouge, du bleu foncé et de l’ocre.
Certaines initiales ne sont pas entièrement peintes voire pas du tout, elles sont dites filigranées. La peinture et la multiplication des détails permet d’établir une hiérarchie entre les textes, donc une manière de se repérer dans la Bible. L’utilisation d’initiales pour découper le texte et leur décoration se développent au XIe siècle, à l’époque romane.
- le second, qui intègre des éléments du monde méridional ou aquitain, a achevé le manuscrit. Il est clair qu’il a assimilé le langage pictural du Mont. Aussi, il est possible que la Bible ait été également entièrement décorée sur place mais sans certitude.
Les corps composent la lettre, au contraire des initiales du premier peintre et du langage pictural normand. L’influence est poitevine.
La Bible en Gironde
Comment est-elle arrivée à La Sauve ? Cela reste sans réponse.
Avant de se trouver en Gironde, on retrouve sa trace à la fin du XIe siècle à l’abbaye Saint-Sauveur de Redon en Ille-et-Vilaine. Elle est parfois nommée « Bible de Redon ».
Comment le sait-on ? Ce sont les inventaires des abbayes qui permettent aux spécialistes d’en savoir plus, mais aussi les ajouts dans le manuscrit : au folio 259v, un texte présente une bulle (acte juridique) du pape Grégoire VII en faveur d’Almodus, abbé de Redon ainsi qu’un extrait d’un ancien cartulaire de Redon.
Ensuite, elle passe à une autre abbaye de l’ouest de la France entre 1090 et 1100.
Puis, elle arrive à l’abbaye de La Sauve-Majeure, en Gironde. Pourquoi ? Comment ? Où a-t-elle été continuée ? Son histoire est floue. Il semblerait que l’artiste qui ait continué les initiales soit celui qui l’a emmenée à La Sauve. Les manuscrits pouvaient circuler comme modèles, travaux à terminer, cadeaux entre abbayes ou comme objets appartenant à des moines ou abbés voyageant.
La Bible se trouvait dans les collections de l’abbaye de La Sauve-Majeure au moment de la Révolution où elle est déposée au château de Cadillac avec d’autres ouvrages provenant de l’abbaye et d’autres établissement religieux. Elle rejoint la bibliothèque de Bordeaux un peu plus tard et peut être visionnée en entier sur le site Manuscrits médiévaux d’Aquitaine. La reliure actuelle date des années 50.
Le manuscrit est incomplet, il manque plusieurs parties du texte biblique. Son histoire a été mouvementée !
La bibliothèque de Bordeaux conserve un autre ouvrage, cette fois-ci copié à l’abbaye de La Sauve-Majeure : il s’agit du cartulaire, texte recensant les possessions de l’abbaye de 1079 à 1356. L’ouvrage permet de suivre le développement de l’abbaye.
Pour aller plus loin : une vidéo sur la fabrication du livre au Moyen Âge réalisée en partenariat par le CLEM et le CIS Design Media Lab, dans le cadre du dispositif transmédia Les voies d’Aliénor :
Bibliographie
Bibliothèque virtuelle du Mont-Saint-Michel
Manuscrits médiévaux d’Aquitaine
Scriptorial d’Avranches
L’atelier enluminure
Pour accompagner les activités autour du parcours pédagogique Jardins et Patrimoine, un atelier a été conçu à voir ici et à retrouver dans les documents fournis aux enseignants inscrits. Pour plus de précisions, n’hésitez pas à nous contacter.
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